Jeudi 13 juin à 20h
Le ciné-club d’Enjeux sur Image a lieu au cinéma Opéra(6, Rue Joseph Serlin 69001 Lyon – Métro Hôtel de ville)
Tokyo Park
Réalisé par Shinji Aoyama
Avec Haruma Miura, Nana Eikura, Konishi Manami
Japon-2011/1h51
La projection sera suivie d’un débat
Koji, jeune étudiant photographe, accepte un jour la commande d’un client qui lui demande d’espionner son amie. Cette mission va bouleverser la vie de Koji et changer son rapport avec les femmes, notamment celles qui lui sont proches : Miyu, son amie d’enfance et confidente et Misaki, la fille de sa belle-mère.
Le réalisateur
Shinji Aoyama
A l’université de Rikkyo, Shinji Aoyama suit les cours du célèbre critique japonais Shigehiko Hasumi et réalise de nombreux courts métrages en 8 mm. Il travaille ensuite comme assistant de Kiyoshi Kurosawa (The Guard from the underground) et comme critique aux Cahiers du cinéma-Japon avant de réaliser en 1995 son premier long, It’s not in the textbook, sorti directement en vidéo. Mais ses vrais débuts sur grand écran ont lieu l’année suivante avec Helpless. Ses premiers films sont assez violents, contrairement à son road-movie Eureka, qui le révèle au grand public pendant le Festival de Cannes 2000 (Prix de la Critique internationale et du Jury œcuménique).
Auteur complet, il lui arrive régulièrement de se charger à la fois de la mise en scène, du scénario et de la musique de ses films. Un an après son premier succès, le cinéaste revient ainsi sur la Croisette avec le drame Desert moon, présenté en compétition officielle. Il signe la même année les dialogues du poignant Demonlover d’Olivier Assayas, nominé quatre fois à la 55ème édition du Festival de Cannes. En 2002, il tourne pour la télévision japonaise La Forêt sans nom, premier épisode d’une série consacrée à un détective privé, relancée en 2003 dans les salles françaises dans une version retravaillée pour le cinéma.
Shinji Aoyama revient à Cannes en 2005 avec son film sur le « Syndrome du lemming » : Eli, eli, lema sabachthani ?, présenté en sélection officielle dans la section Un Certain Regard. Suivant un rythme assez régulier en réalisant en moyenne un film par an, Shinji Aoyama participe en 2011 au film collectif 60 Seconds of Solitude in Year Zero et collabore ainsi avec des réalisateurs comme Park Chan-wook ou Michael Winterbottom. Il adopte ensuite les nouvelles technologies du numérique dans son film Tokyo Park, une adaptation de « Tokyo Koen », le best-seller de Yukiya Shôji au Japon.
Critique
Un jeune apprenti photographe s’exerce en shootant au hasard les passants dans un parc. Son objectif s’attarde sur une très belle jeune femme qui se promène avec sa toute petite fille.
Un inconnu, qui suivait la jeune femme et a remarqué le photographe, l’aborde soudain avec véhémence. C’est le mari. Passé la suspicion, il propose de payer le jeune homme pour épier son épouse et lui envoyer les photos de ses journées par SMS.
C’est le versant Blow up du film (Antonioni, 1966). D’autant plus que la jeune femme n’a manifestement aucun secret, elle passe seulement ses journées dans les parcs.
Pourtant, au fil de l’intrigue, le jeune homme découvre avec stupeur que la trajectoire de sa cible dessine, de parc en parc, une spirale sur le plan de Tokyo. Cette spirale, combinée au motif de l’homme qui commande une filature de sa femme, mais aussi à celui de l’amour obsédant pour des fantômes, c’est la piste Vertigo du film (Hitchcock, 1958).
Tokyo Park est assurément un film de cinéphile. Il dépasse cependant très vite cette amusante greffe de deux chefs-d’œuvre sur les faux-semblants et les devinettes métaphysiques sans réponse.
Ce qui frappe dans le film, c’est son étrange douceur. Même la jalousie qui démange le mari ne prend pas une forme agressive. D’ailleurs, très vite l’action se décentre et s’attarde sur le quotidien de l’entourage du photographe.
Là, tous les personnages couvent un grand chagrin, généralement le deuil d’une personne aimée. Tous sont seuls, dans l’incapacité de refaire leur vie. L’amour est mort ; à sa place règne une camaraderie tendre et asexuée : la première demande de tous les personnages est d’être consolé.
Le film le plus connu de Shinji Aoyama, le seul à avoir connu une vraie exposition en France, Eureka (2000), était déjà une fiction de résilience (le quotidien de deux enfants après une prise d’otage). Ici, la catastrophe n’est pas nommée.
Pourtant, dans la tentative de chacun de dépasser un grand abattement s’entendent bien sûr des échos de la crise économique (tous les personnages enchaînent les petits boulots, n’ont pas de statut social défini) et de Fukushima, survenu pourtant durant le mixage du film.
Moins poignant et frontal que le chef-d’œuvre Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa, plus classique dans la forme que les précédents films de son auteur, Tokyo Park se révèle néanmoins un croquis subtil et touchant d’une société en rémission.
(Les Inrocks, 21/08/2012)
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