Le documentaire « Entrée du personnel » de Manuela Frésil sera projeté le Lundi 24 juin à 20h30 au cinéma Les Alizés à Bron. La projection sera suivie d’un débat.
Synopsis
L’abattoir est loin de tout, tout au bout de la zone industrielle.
Au début, on pense qu’on ne va pas rester.
Mais on change seulement de poste, de service.
On veut une vie normale.
Une maison a été achetée, des enfants sont nés.
On s’obstine, on s’arc-boute.
On a mal le jour, on a mal la nuit, on a mal tout le temps.
On tient quand même, jusqu’au jour où l’on ne tient plus.
C’est les articulations qui lâchent. Les nerfs qui lâchent.
Alors l’usine vous licencie.
A moins qu’entre temps on ne soit passé chef, et que l’on impose maintenant aux autres ce que l’on ne supportait plus soi-même. Mais on peut aussi choisir de refuser cela.
J’ai eu la chance de voir « entrée du personnel » quelques mois avant sa sortie, dans le cadre d’un séminaire de recherche à l’ENS de Lyon, en présence de la réalisatrice.
Deux mises en garde s’imposent avant d’aller voir le film.
Le thème du film n’est pas la souffrance que nous infligeons aux animaux, ce qu’on pourrait paresseusement croire au souvenir du précédent opus de Manuela Fresil « si loin des bêtes ». Non, dans « entrée du personnel », il y a bien des animaux et des abattoirs, mais c’est la souffrance des hommes et des femmes qui travaillent à tuer et préparer ces animaux pour notre consommation qu’on nous montre.
Seconde mise en garde, il s’agit d’un film documentaire, mais il y a des scènes jouées.
Manuela Fresil a utilisé les contraintes imposées à son film – elle ne pouvait pas se présenter dans les établissements industriels qu’elle voulait montrer en annonçant la couleur « je viens filmer la souffrance au travail », elle ne pouvait pas trop s’attarder sur un poste, un geste sans attirer les soupçons. Elle a du ruser, tourner des petits bouts de film dans une dizaine d’entreprises et ensuite monter ses images pour faire ressortir ce qu’elle voulait montrer : la répétition des gestes, la fatigue des corps, l’ouvrière qui, plusieurs milliers de fois par jour, empaquette un poulet : les pattes à l’intérieur, replier la tête, disposer la ficelle bleue autour, la nouer.
Lorsqu’elle n’avait pas les images pour montrer, elle a fait rejouer la scène, et on voit ainsi un ouvrier – Charlot de boucherie – dans son local syndical refaire à vide les gestes qu’il a devant sa chaîne d’emballage. Cette scène m’a rappelé le film « être là » où, n’ayant pas l’autorisation de l’administration pénitentiaire de filmer l’ouverture chaque jour par Sophie des neuf portes qu’elle doit franchir pour accéder à son bureau dans la prison des Baumettes, Regis Sauder fait jouer la scène à sa psychiatre : j’ouvre la première porte, bruit de clé, la seconde …
Ces deux mises en garde n’avaient pour but que de vous éviter une méprise mais il faut évidemment courir voir ce film qui, sorti le 1er mai à Paris, malgré le soutien de la Ligue des Droits de l’Homme, n’est visible que le 24 Juin à Lyon (Bron plus exactement).
Georges
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